Président de la FNCPG-CATM
Cinq années de désespérance et d’espoir, telle est la source de cette Fédération, la nôtre, que nous fêtons après quarante années dans l’unité et l’action commune. Elle fut et elle demeure notre création, l’œuvre d’hommes que l’amertume de la bataille perdue et des humiliations subies n’a pu disperser parce qu’ils ont au contraire choisi spontanément d’y puiser l’aliment d’une fraternité jamais démentie.
Par leur diversité même, les témoignages qui suivent aideront à apprécier la richesse du patrimoine moral, et j’ose dire spirituel, qu’au fil des années nous avons ensemble constitué, et qu’ont, depuis une vingtaine d’années, commencé d’assumer à nos côtés nos cadets d’Afrique du Nord. Dans ce patrimoine, quelles valeurs fondamentales convient-il aujourd’hui de mettre en lumière ? Sans doute, me semble-t-il, la fidélité et la solidarité.
Fidélité d’abord à la Patrie blessée, ravagée et opprimée. Je vois encore, le 15 juin 1940 à Souilly un de mes camarades Saint-Cyrien en larmes : « Ils sont à Paris ! ». Combien d’autre, à la même heure, étaient plongés dans la même profonde détresse ! C’est que pour nous tous, la Patrie n’a jamais été un thème d’opportunité, une vérité de circonstance, prétexte à des développements chargés de lyrisme parfais plus que de sincérité. Elle est pour nous comme une réalité charnelle avec laquelle nous faisons corps et sur laquelle, jusque dans l’exil, l’oubli qui peut signifier l’abandon, n’a jamais eu prise.
Dès lors les vertus du patriotisme allaient tout naturellement s’exprimer jusque sous le joug ; celui de nos camps, où la lutte sournoise et multiforme n’était pas toujours exempte de risques graves ; celui de l’occupation qui suscita le combat clandestin de notre M.N.P.G.D., l’une des sources de la grande Fédération qui nous rassemble toujours.
Solidarité de tous les instants envers les plus démunis des nôtres, nos familles, les désemparés, les désespérés auxquels les Centres d’Entraide tendirent tant de mains secourables et portèrent tant de messages du cœur ; ils dessinaient déjà bien avant notre retour les perspectives où s’inscrirait au fil des années une action sociale inventive et dynamique, ouverte, au-delà de nous-mêmes, à ceux que la maladie ou les inadaptations, les handicaps de tous ordres condamneraient à la condition d’exilés en marge de la société et en feraient ainsi indéfiniment les victimes d’une autre forme de captivité.
Cette solidarité des camps nous aura appris, au contact d’une idéologie barbare et de ses cruautés, la valeur et la dignité de la personne humaine, par-delà toutes les différences physiques, morales et culturelles auxquelles nous confronte le Monde d’aujourd’hui.
En ces jours où tant des nôtres sont disparus, qui avaient longtemps agi et lutté parmi nous et pour certains à notre tête, nous avons un droit et un devoir de fierté ; non certes de notre condition passée de captifs, mais de la victoire qu’ensemble nous avons remportée contre les tentations du renoncement.
Cette grande fête de notre Fédération est donc vraiment nôtre. Puisse-t-elle être pour chacun l’occasion de récapituler toutes les étapes d’une vie où la guerre nous a rappelé les richesses de la Paix, où la captivité nous a enseigné la valeur de la Liberté, où le Retour nous a nourris des joies de la Patrie retrouvée et renaissante.
Georges Lepeltier (Porte de Versailles, le 14 avril 1985)